Stalker

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Il y a vingt ans, un engin se serait écrasé sur le sol de notre planète, provenant d’on ne sait où. De nombreux individus, attirés par ce phénomène mystérieux, s’empressent d’aller voir l’objet insolite mais aucun ne reviendra. Alertée, l’armée décide de fermer la « Zone » au public. Une rumeur se propage rapidement, relatant l’existence dans cette « Zone » d’une « chambre » qui réaliserait nos vœux les plus chers. Pour aider les âmes les plus endurcis à traverser cet espace sans vie, il existe des passeurs, appelés « Stalkers ».

Ici s’arrête la ressemblance avec le jeux vidéo éponyme, en y supprimant la catastrophe de Tchernobyl : à noter que le film est sorti en 1979 et que Tarkovski, le réalisateur meurt neuf mois après l’évènement, et qu’il s’inspire du roman de science fiction des frères Strougatski « Stalker :Pique-nique au bord du chemin ».

Oppressant à souhait et sombre comme un Murnau, le film débute dans une maison décrépite aux murs craquelés et quasiment vide, tout cela dans une tonalité ocre s’approchant du noir et blanc. L’œuvre semble régit par une lenteur exceptionnelle: du travelling infinissable aux plans fixes sans actions, tout nous oppresse et tout nous perd. Sans cesse partagé entre la peur de mettre le pied en avant dans cet odyssée lugubre et la soiffe intarissable d’en apprendre toujours plus sur ce lieu si vide et pourtant plein de mysticisme, on ne peut décrocher de ce spectacle tant nos sens sont aux aguets. Pour ma part, je n’ai jamais été aussi intrigué par un film depuis Eraserhead de Lynch!!!

L’auteur y manipule les registres comme les genres: fantastique au soupçon de lyrisme lorsque le Stalker et ses deux visiteurs franchissent la « Zone » (moment ou la couleur apparait pour la première fois dans le film) puis voyage dans l’absurde totale tout au long des discussions de nos hommes, réfléchissant sur l’importance de ce parcours initiatique. Tous ces thèmes et ces cadrages en plan moyen des lieux clos font inévitablement penser au théâtre (Beckett au Bac, ça travaille :P). Que dire de ces séquences ou les personnages s’adressent tout naturellement au spectateur en se tournant vers la caméra ?!!

Pour comprendre un tel film, je ne pense pas qu’il puisse exister réellement un « sens de penser ». Tout est affaire d’interprétation. Malgré tout, ce film troublant, au frontière de l’expressionnisme allemand et de ce bon vieux Lynch vaut le coup d’oeil, à condition d’aimer les intrigues décousues, les fins ouvertes et d’apprécier d’être manipulé totalement par le réalisateur qui nous force à voir un monde nouveau en nous interrogeant, car, après tout, c’est ça le cinéma :slight_smile: