What the Rob ?

Il existe une fatalité. J’en suis intimement persuadé. Une fatalité irrémédiable qui pèse et résonne comme l’écho d’une imprécation venue de l’aube des temps. Ça ne peut être que ça. Je ne vois rien d’autres comme explication rationnelle.
O Divinités malades du cinéma, pourquoi mais putain pourquoi la suite d’un film doit-elle se planter à ce point ???
Le film est mort ! Le film reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ?

Ce cri de rage et de désespoir il doit sortir. Et ce soir, le vieil ennemi a les traits monstrueux de Rob Zombie.
[size=10pt]Ce sera un hurlement long et déchirant donc vous êtes tous pardonnés si vous quittez la barque avant, mais ÇA doit sortir, donc ÇA sortira !!
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Pour restituer le contexte de la traitrise, il convient de préciser que Rob le musicien métaleu est aussi réalisateur.

En 2007, Rob propose le huitième épisode de l’histoire d’Halloween, débuté en 78 par Carpenter sous la forme d’un (du) film d’épouvante qui selon l’aveu de son auteur lorgne plus du côté de Psychose de Monsieur H que des films à “proprement”(si le terme est adéquate) parler du genre de l’horreur. Ce premier film est considéré comme le film indépendant le plus rentable mais le dieu du dollar oblige (une autre ordure celui-la), les suites se sont succédées à foison.
En 2007, Rob propose un film audacieux : à la fois remake séquences par séquences et originalité du point de vue. La où Carpenter avait intelligemment joué la carte de l’ellipse afin de ne pas donner trop d’informations sur son tueur et favoriser une identification facile à la “victime” future, Rob étale devant nous l’adolescence et l’évolution du meurtrier. On change donc presque de point de vue. Si ce n’est que Rob, intelligent lui aussi, se prive bien de nous préserver de toute crainte du tueur, en nous montrant assez rapidement qu’il est capable de liquider même ceux qui étaient gentil avec lui (pauvre Danny). Refonte de l’histoire donc et refonte des personnages. Malcolm McDowell (l’Alex de Kubrick) reprend, non sans talent, le rôle du Dr Loomis interprété à l’époque et à plusieurs reprises par Donald Pleasence.
Le film, hommage et original est en quelque sorte le phénix du chef d’oeuvre de Carpenter. Ce n’est pas un de ces remake où tout est fixé. Rob nous démontre qu’il est près à chambouler l’original et tandis que l’on se croit en territoire connue, la surprise est d’autant plus grande que nos pieds foulent en vérité une terra incognita pour le moins… rouge.
Défi remporté haut la main donc.

Mais fatalité, il fallait que tu guètes, dans l’ombre de la porte et une immense lame de boucher à la main.

En 2009, Rob sort une suite. Ce n’est pas un remake d’Halloween 2, mais le séquel de son propre film.
Et là, c’est le drame. On pourrait faire une liste que l’on délivrerait à chaque aspirant réalisateur…
Tout d’abord, ce qui est le plus frappant c’est la direction prise. Ne se basant plus sur un scénario de référence, Rob va loin pour trouver quoi montrer. Très loin. Il introduit ainsi trop de son univers gothique propre à la musique métal. A bien des moments d’égarement, j’ai eu l’impression de voir un clip. Où est dans la sobriété de 1978 et, dans une moindre mesure, de celle de 2009 ??? Rob se perd et perd ses personnages. Loomis devient un personnage comique. J’aurais pu tolérer ça, si le personnage avait été encore une fois à la hauteur de son interprète. Alex, fuis ! Et notre Michael Myers devient un zombie déambulant. Cette perte identitaire est d’ailleurs caractérisée par deux éléments pour le moins significatifs : Le tueur au masque blanc ne montre plus son masque blanc mais se cache derrière une capuche de gangsta. De même, où est le couteau ? Celui-ci ne doit être tiré au plus que trois-quatre fois… Selon moi, Rob se heurte à un mur car il a décidé d’emprunter un chemin que, pour ma part, je n’aime pas. C’est dit. Mais pourquoi vouloir donc expliquer les agissements du monstre ??? Prisonnier de cette donne, Rob se force à nous délivrer clairement des explications. Déjà dans ses Scream, Craven se moquait de cette volonté d’expliquer à tout prix : chacun de ses films se terminent ainsi par une longue justification des meurtres par les meurtriers himself ! Blablabla…
La mise en scène de Rob montre aussi ses limites. Il est contraint de passer à la surenchère d’action, de courses-poursuites (là où il se sent à l’aise) pour finalement nous faire le coup du rêve attendu. Chaque passage à “suspens” s’inscrit dans le même schéma : plan d’ensemble avec victime sans le tueur, plan rapproché de la victime qui d’un coup se fait agresser. Très rapidement, le flipomètre descend car on peut presque dire dans quel plan se fera découper le personnage. Ce sera le cas jusqu’a la fin. Peut être conscient de ces maladresses, Rob noie son film dans une obscurité plus noir que l’abîme. “Si tu regardes trop longtemps l’abysse, l’abysse regardera aussi en toi”. C’est réussit, et on fini par broyer du noir.
Finalement, et c’est bien triste, j’ai préféré les deux extrêmes qui caractérisent le film : la première outrancière à souhait où Rob massacre l’épouvante et propose un pur cinéma d’horreur, de “montrage” et d’action et si le twist est attendu, le plaisir du voyeurisme assouvi est là. La seconde, où enfin Rob fait preuve de la plus grande suggestion et ne montre rien du tout, se contentant de cris en hors champ. Ah, la ca devient plus intéressant !
Et c’est finalement tout le problème de cet Halloween II : il a le potentiel d’un très bon nanard mais quelques très bonnes idées (de montage notamment) et un trop grand nombres de mauvaises (ah ça c’est un peu partout) étouffe complètement le projet. Pendant le film, j’ai pensé que je regardais un Scream au premier degré ce qui expliquait mon incompréhension car franchement, un bon nombre de situation n’ont rien à faire dans un Halloween et seraient les bienvenues chez Craven !

Rob mutile donc son premier Halloween, remarquable selon mon point de vue, par une suite tout à fait odieuse. Jamais sans doute, les saga Halloween et Scream n’auront été si proche qu’à travers leur dernier opus respectif, l’un complétement has been, l’autre vraiment réussit. On notera au marqueur la citation de Scream 4 qui demeure de circonstance : [size=12pt][font=Verdana]“On déconne pas avec l’original !”[/font][/size]

Vingt Dieux! Ça, c’est ce qui s’appelle être fâché!

Bel exercice!
Tiens ça me donne envie de faire la même chose sur l’original. Un peu de temps et j’y vais. ;D

J’ai découvert la version de Rob dans les mêmes circonstances que celle de John. Par hasard… un soir… seul… devant la TV…
Pour Rob c’était il y a un an, pour John j’étais ados… ;D
Je ne développerai pas ici les raisons de ma passion pour le cinéma de John. Passion qui ne pouvait pas laisser la moindre chance à la version de Rob. La première du nom (la deuxième est une blague).

Quelques exemples rapides:

Un des fondamentaux de John est de ne pas justifier le Mal. Evident dans Halloween où The Shape tue sa soeur… par relent oedipien? incestueux? Sic! Au mieux, on est ici dans la suggestion, au pire dans le « vide total ». Et le « vide » c’est pratique pour l’angoisse et la peur. The Shape devient donc en quelques minutes l’un des personnages les plus terrifiant de toute l’histoire du cinéma. On appelle ça un mythe.

Rob, lui , est un criminel! Il donne à The Shape une humanité. Une humanité « temporaire » certes, je l’accorde. Mais le mal est fait, quand bien même le Mal se construit… La justification est ici totale et irréversible!

Un autre exemple pourrait être l’extrême précision « technique » des scènes précédant les meurtres (longueur incroyable des plans, composition de l’image, silence, etc…). Halloween est un film sur la peur, sur ses mécanismes les plus intimes. En première lecture cela n’est pas forcément évident mais à force de décortiquer l’oeuvre on y découvre un véritable exercice de style.

Chez Rob ce sont les meurtres qui sont effrayants. Nous avons donc à faire ici à un grand garçon qui préfère de loin « l’acte » aux « préliminaires ».

J’arrête là la démonstration qui vise à illustrer toutes les raisons qui peuvent me pousser à détester ce remake. Après j’entend bien qu’adapter (ou réadapter) une histoire c’est « trahir ». Certes. Sauf qu’ici Rob nous entraîne davantage dans un processus de déconstruction ce qui à mon sens est beaucoup plus gênant voir rédhibitoire. Effectivement le point de vue est clairement différent et constitue un vrai parti pris de la part d’un Rob qui n’a, me semble-t-il, pas mesuré l’étendu des dommages collatéraux. Après avoir méticuleusement détruit le mythe Myers que reste-t-il? Une puissance physique absolument monstrueuse! Rob n’a plus le choix : Myers n’est plus The Shape, il doit donc devenir autre chose.

J’en arrive au plus amusant : je n’ai vu qu’une seul fois le film de Rob et je me suis surpris à ne pas arriver à détester le film comme j’aurais aimé le faire… OK c’est un peu barré comme raisonnement mais je crois avoir trouvé la raison.
Halloween, le vrai, le seul, l’unique, est une « expérience ». L’ « autre » est un cri de jouissance! Celui d’un mec qu’on sent enivré par l’ambitieux projet qui est le sien. Un film de fan totalement décomplexé et assumé pour le meilleur (quelle puissance « graphique » quand même chez le Myers de Rob! Vraiment impressionnant par moment) comme pour le pire…
Au final un film intéressant, que je regarderai à nouveau s’il passe à la TV, mais qui n’alourdira pas mes étagères.