Bien que très en retard en raison des tests sur le débruitage, je vous soumets quand même le script sur lequel j’ai travaillé.
Note d’intention à suivre.
[i] Un parc de jardins, dans la matinée. Il fait beau mais un peu frais pour un 30 juin. Sur un carré de pelouse, deux enfants jouent ensemble, sous l’oeil amusé de leur mère, assise sur un banc public juste en face. A côté d’elle est assise Karine, une jeune femme trentenaire qui observe également les enfants jouer, ainsi que les réactions qu’ils suscitent sur le visage de leur mère.
A un moment, les enfants retournent vers leur maman qui leur tend un goûter, en échange d’un bisou. Karine observe d’un air attendri qui n’échappe pas à la maman. Elle sourit en retour, avec un regard maternel bienveillant.
A ce moment le visage de Karine se ferme et devient plus grave, elle redresse le buste bien droit, passe rapidement le plat de ses mains sur son ventre, comme pour mettre de l’ordre dans les replis de son pull. Elle regarde droit devant elle, incline légèrement la tète en arrière, prend une inspiration profonde, puis revient à la position initiale. Elle se relève du banc d’un mouvement sec, enfile son gilet rapidement, jette un dernier coup d’oeil furtif sur la petite famille, puis se dirige dans le sens opposé vers la sortie du parc.
Karine remonte une rue, puis une autre, marchant d’un pas affirmé. Elle a une silhouette fine, presque sportive, et n’a pas de mal a passer les gens qu’elle croise ou qu’elle double d’un pas de cote.
Elle entre finalement dans un grand bâtiment, on reconnait lorsqu’elle franchit le sas d’accueil qu’il s’agit d’un hôpital, ou d’une clinique. Karine ne s’arrête pas à l’entrée vers l’hôtesse d’accueil, mais s’engage dans le couloir principal, tourne plusieurs fois, monte un étage. Elle semble savoir où elle va.
Elle franchit enfin une double porte pour entrer dans un service. Cette fois elle s’arrête au secrétariat pour indiquer qu’elle a RDV à 11h30 avec un médecin pour une intervention. On lui fait remplir et signer quelques papiers avant de lui donner un badge. Il porte le numéro 147. On lui indique de le garder sur elle tout au long de la procédure, puis on l’accompagne en salle d’attente.
Karine est assise dans la salle, elle feuillette nerveusement les revues qui jonchent la classique table basse au milieu de la pièce. Posé dans un angle, une petite radio diffuse les informations : il est question d’ajouter aujourd’hui une seconde au temps universel coordonné, défini par la rotation terrestre, pour qu’il reste synchrone avec les horloges atomiques bien plus précises …
Karine n’y prête pas attention, elle est à la fois songeuse et tendue. Elle s’entrecroise les doigts, les bras, puis les décroise, se mord le bord des ongles… Un homme entre alors, il est en tenue de bloc opératoire et porte un masque, mais elle reconnait à la voix le médecin qu’elle a vu sept jours plus tôt. Ils se saluent.
“Avez-vous changé d’idée ?”, demande-t-il. “Non.” (laconique)
“Avez-vous signé tous les papiers réglementaires en arrivant, ainsi que ceux que je vous ai laissés la semaine dernière ?”. “Oui.” (toujours laconique)
“Bon … (un peu embarrassé), nous allons donc y aller. Comme je vous l’ai expliqué, vous allez être endormie, sous anesthésie générale, et nous allons procéder à une aspiration, compte-tenu du terme. Avez-vous des questions ?”. “Non.” (le regard dans le vague, comme résignée)
Salle de réveil, Karine est dans un lit, perfusée, elle attend l’anesthésiste. La seule distraction pour tuer le temps vient d’un poste de TV situé dans la salle attenante des infirmières. Elle ne le voit pas mais entend le son facilement malgré le bruit des scopes et autres appareils environnants. Un flash repasse à propos de la modification du temps, elle essaye de comprendre de quoi il retourne quand un anesthésiste silencieux arrive à son chevet avec un plateau, et injecte dans la tubulure de sa perfusion une seringue d’un liquide blanc comme du lait.
“Je vais dormir dans combien de temps ?”, demande-t-elle.
“Quelques secondes …”, répond-il en souriant sous son masque.
Karine sent à ce moment une sorte de chaleur envahir son corps, en même temps qu’un relâchement brutal, ses paupières deviennent lourdes et elle a du mal à garder une vision nette. Ses yeux se ferment après quelques instants, elle ne bouge plus. Tout ce qu’elle perçoit au moment de sombrer est le son d’un compte-à-rebours provenant de la TV, les infos transmettant en direct l’ajout de cette seconde supplémentaire au temps.[/i]
[fondu au noir]
[i] Karine se réveille lentement dans le même lit. Elle est immobile et peine à ouvrir les yeux, juste entrouverts. Elle distingue difficilement la cohorte d’individus autour d’elle, ils sont flous. On redresse sa tête d’oreiller pour l’aider.
A ce moment elle y voir clair, et demande si “c’est fait”. Elle aperçoit alors avec étonnement le médecin de la salle d’attente lui remettre dans les bras un nouveau-né langé. Karine ouvre de grands yeux, reste bouche bée, alors que l’homme lui dit : “Félicitations, c’est une jolie petite fille, elle va bien. Vous avez choisi un prénom ?”.
Karine secoue la tête, pense à une erreur monumentale mais n’arrive à dire un mot. Au moment où elle va réussir à sortir une question, une alarme retentit dans un box à l’autre bout de la salle, tout le monde réagit, si bien qu’en un instant il n’y a plus personne autour d’elle et du nouveau-né. En attendant que du personnel revienne vers elle, Karine essaie de ne pas regarder l’enfant et le tient dans ses bras mais loin de son corps. On voit l’interrogation ronger son visage, le stress aussi, elle se mordille les lèvres, fronce les sourcils …
Finalement elle regarde l’enfant, le dévisage, l’inspecte, et remarque à son poignet un bracelet minuscule. Elle cherche un nom écrit dessus mais en fait il est écrit le nombre 147. Karine passe à ce moment une main sur sa poitrine et constate que le badge n’y est plus. Elle souffle en gonflant les joues et ouvre grands les yeux, semble hébétée, lorsque le bébé esquisse un sourire. Karine se reprend et approche un peu plus l’enfant d’elle, le cale contre son ventre et penche la tête. Elle lui caresse doucement le ventre avec l’index, sourit timidement, puis le menton, sourit encore, et petit à petit ne s’occupe plus trop de ce qui l’entoure.[/i]
[la caméra recule avec des plans successifs s’éloignant pour laisser les deux protagonistes en tête à tête, puis fondu au noir]
Parc du début, une petite fille de deux ans et demi joue sur un carré de pelouse. A un moment elle se lève et court vers sa maman assise sur le banc en face. Celle-ci se lève et nous reconnaissons Karine, qui prend sa fille par la main et prend la direction de la sortie du parc. Là, elle croise la maman habituée et ses deux enfants, elles échangent un sourire de connivence, signe d’une complicité maternelle universelle, puis Karine et l’enfant sortent du parc avant des disparaitre dans une rue adjacente.
[fondu au noir]
FIN